Islamo-gauchisme. Ce terme connaît une forte résurgence depuis les drames d’octobre dernier. Tour à tour les ministres de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont utilisé ce mot pour dénoncer une gangrène du système de l’éducation. Mais de nombreuses voix s’insurgent,: le CNRS, à qui Frédérique Vidal a commandé une étude sur ce qui relève du militantisme et sur ce qui relève de la recherche, s’est fendu d’un communiqué de presse, purement affirmatif et absent de toute argumentation pour soutenir cette position, dans lequel on apprend que l’islamo-gauchisme “n’est pas une réalité scientifique”. Selon certains, le mot islamo-gauchisme ne serait que le signe de la panique réactionnaire face à une génération montante de chercheurs issue des couches populaires. Pire, il ne s’agirait que d’une arme de diversion politique et surtout de disqualification de l’opposition de gauche. Le mot islamo-gauchisme semble pour ces personnes ne refermer aucune once d’intérêt et ne serait qu’un piège en provenance de l’extrême droite, reflétant la droitisation de la politique française, et dont il est vain, d’après le CPU, de chercher un “commencement de définition scientifique”. Qu’en est-il vraiment ? Le mot islamo-gauchisme n’est-il qu’un outil de rhétorique disqualifiant, qu’une invective, à la polysémie qui rend toute utilisation sérieuse impossible ? Bien au contraire. Retour dans le présent article sur le sens de l’islamo-gauchisme, sur son histoire, et sur les enjeux que reflètent particulièrement les polémiques qui sont associées à son utilisation. Cet article est lié à une vidéo qui sortira prochainement et qui abordera plus spécifiquement le cas de l’Université. (https://www.youtube.com/channel/UCfCEDd8GKf99BymO7qtU0Aw)
Islamisme et gauchisme
Le mot islamo-gauchisme est composé du préfixe islamo relatif à l’islamisme, et du nom commun gauchisme. Avant d’en venir à la définition même du mot islamo-gauchisme, il convient de définir ces deux mots. L’islamisme tout d’abord. Bernard Rougier dans son livre Les Territoires Conquis de l’Islamisme appelle Islamisme la forme idéologique de l’Islam, c’est à dire plus précisément “le refus assumé de distinguer l’islam comme religion, l’islam comme culture et l’islam comme idéologie” mais surtout, et c’est le point le plus important, la volonté de “soumettre l’espace social, voire l’espace politique” traduisant avant tout l’esprit de conquête idéologique de cette mouvance. On distingue, toujours selon Bernard Rougier, quatre formes d’islamisme, d’abord les mouvements fondamentalistes, c’est à dire qui souhaitent revenir aux fondements de l’Islam et s’appuient sur une vision littérale de l’Islam, que sont le Tabligh et le Salafisme. Ce premier mouvement d’origine Indienne est prosélyte, son objectif est d’agir sur la société, il cherche à calquer les actions des musulmans sur l’exemple du prophète Mahomet dans toutes les circonstances de l’existence. Le Salafisme s’appuie sur “l’école du Cheikn Ibn Handal (780-855), la plus littéraliste de l’Islam, afin de se prévaloir d’un modèle idéalisé des origines”. Le salafisme se confond en partie avec le wahhabisme, doctrine du cheikh Mohammed ibn al-Wahhab qui prônait comme exemple, tout comme les salafistes, la vie des premiers musulmans (salaf). Au nom d’une forme pure de l’Islam, les salafistes prescrivent des codes vestimentaires, alimentaires et sociaux très stricts dans un objectif assumé de se distinguer et de s’écarter des sociétés occidentales. Vient ensuite le Jihadisme. Cette forme d’islamisme s’est constituée lors du “jihad Afghan” des années 1980. On distingue deux courants du Jihadisme, mais on y retrouve le même mode d’action: la violence. L’objectif du Jihadisme est de combattre, physiquement, tous ceux qui empêchent la loi de Dieu de s’établir en terre d’Islam (Dar al-Islam, qu’il convient évidemment d’élargir) c’est à dire les juifs, les chrétiens, les athées, les chiites et les musulmans sunnites qui ne suivent pas leur idéologie. Enfin la dernière forme d’Islamisme, celle qui nous intéresse le plus dans le présent article en tant que forme la plus impliquée dans l’islamo-gauchisme en France, est celle du courant Ikhwan, l’organisation des Frères musulmans. Née en 1928 en Egypte, l’organisation a pour but d’instaurer la loi islamique (Charia) via une influence intérieure du monde politique, par une action réformiste, non violente, en investissant les tissus associatifs, caritatifs, le monde de l’éducation, des médias...Cette stratégie insidieuse avait tout d’abord pour but de réislamiser la société égyptienne, de lutter contre l’influence britannique et de combattre le sionisme en Palestine. En Europe leur stratégie est, selon Bernard Rougier, d’obtenir “la reconnaissance institutionnelle d’une identité musulmane leur permettant de négocier, dans une logique de lobby communautaire, leur emprise sur la population”. En France un certain nombre d’associations se revendiquent de manière plus ou moins assumée en fonction des cas (voire tout à fait dissimulée parfois) de la mouvance intellectuelle des Frères Musulmans. Ces 4 formes d’islamisme sont, selon Bernard Rougier, extrêmement poreuses les unes aux autres. De nombreux jihadistes étaient anciennement séduits par la doctrine salafiste. Et les quartiers où le mouvement Tabligh est passé ont de grandes chances d’être ensuite pris par les salafistes. Contrairement à ce que certains peuvent penser, l’islamisme n’est pas illégal en France. Si le Jihadisme, par son caractère terroriste, l’est, ce n’est pas le cas du Tabligh et du Salafisme. Les Frères musulmans non plus, bien qu’ils soient désignés comme organisation terroriste par l’Egypte, la Syrie ou encore la Russie. Le deuxième mot à définir avant d’en venir au concept d’islamo-gauchisme, et cela sera bien plus court, est le nom commun “gauchisme”. On retrouve son utilisation dès le XIXème siècle, mais c’est Lénine qui popularise ce terme dans son livre La Maladie infantile du communisme. Selon Lénine, les gauchistes sont les communistes radicaux coupés des masses par leur rejet du parlementarisme et du système politique en général, interdisant ainsi toute victoire du communisme. Selon Pierre-André Taguieff, sociologue fondateur du terme français d’islamo-gauchisme, dans son entretien avec Marianne, le gauchisme correspond à la frange révolutionnaire de la gauche, en opposition à la gauche réformiste ou libérale, ou de manière générale aux mouvements à la gauche de la gauche. Le gauchisme peut qualifier globalement toutes les dérives des mouvements qui occupent la gauche ou l’extrême gauche du spectre politique contemporain.
Définition de l’Islamo-gauchisme
Tout commence en 1994. Chris Harman, membre du parti socialiste des travailleurs au Royaume-Uni, parti trotskiste, écrit un article Le Prophète et le Prolétariat. Dans cet article, Chris Harman estime que la gauche a trop souvent commis l’erreur de considérer les islamistes soit comme des réactionnaires soit comme des progressistes convaincus. Ce qui dans les deux cas a mis en échec la gauche au Moyen-Orient (soit en faveur des Etats autoritaires, soit en faveur des islamistes). Pour Chris Harman l’islamisme est une force révolutionnaire qui tire son existence d’une crise sociale et de ce fait les militants islamistes peuvent très bien être séduits par les théories anti-capitalistes. Chris Harman encourage une alliance de circonstance avec les islamistes là où ils sont en situation de faiblesse pour lutter contre les Etats. Il conclut avec la doctrine suivante “avec les islamistes parfois, avec l’Etat jamais”. Il faut noter que Chris Harman cite des pays dans lesquels une telle alliance doit être envisagée, et parmi eux, pour lutter contre le racisme, la Grande Bretagne et bien évidemment… la France. En France d’ailleurs, c’est Pierre-André Taguieff qui a forgé le terme d’islamo-gauchisme dans son livre La nouvelle Judéophobie. Pour lui l’islamo-gauchisme est né chez nous d’un mouvement pro Palestinien. Ce mouvement pro Palestinien est né à gauche dans une volonté d’anti-colonialisme que l’on retrouve dans ces mouvances, mais chez de nombreux musulmans l’anti-Israëlisme est une doctrine naturelle due à la solidarité islamique. Suite à la seconde Intifada (débute en septembre 2000) les violences en France à l’égard des juifs ont explosé. En un mois on compte 200 agressions antijuives (contre 9 selon les mêmes méthodes de comptage en 1999), en octobre 2000 trois synagogues sont incendiées, les menaces et insultes anti-juives augmentent drastiquement également...Cette explosion des agressions a majoritairement lieu dans des banlieues avec un fort taux d’immigration. Les agresseurs, musulmans, attaquent des juifs non Israéliens. L’ennemi n’est pas uniquement le colonisateur, c’est toute la religion qui lui est associée qu’il faut combattre. C’est une dotrine politique de combat, associée à l’Islam, une logique islamiste donc. Ce que soulève Pierre-André Taguieff dans cette explosion des violences c’est surtout le mutisme des mouvements de gauche. Les associations d’ordinaire si promptes à dénoncer le racisme, voire “l’islamophobie” (nous reviendrons sur l’usage de ce mot), font preuve d’un silence remarquable. Voir d’une tolérance envers ces violences. Pour lutter contre le colonialisme, une partie de la gauche tolère la logique islamiste. Selon Pierre-André Taguieff lors des manifestations pro palestiniennes de la fin des années 2000 on retrouvait des partis comme la LCR (ancien nom du NPA) aux côtés des activistes du Hamas (mouvement islamiste palestinien) et du Hezbollah (jihadisme chiite libanais), on pouvait entendre des cris comme “Mort aux juifs” et des “Allahu Akbar”. Cependant, si Pierre André Taguieff a forgé ce terme dans un contexte précis, il ne saurait s’y limiter et ne reflète pas l’intégralité des occurrences de l’islamo-gauchisme. Il convient donc de définir plus largement le mot Islamo-Gauchisme. Pour Mohamed Sifaoui, journaliste spécialisé dans le terrorisme et l’islamisme et auteur de Les fossyoyeurs de la République. Islamo-gauchisme, l'enquête inédite, l'islamo-gauchisme décrit une convergence des luttes islamistes et gauchistes. Pour des objectifs parfois tout à fait divers certains mouvements gauchistes deviennent ainsi des compagnons de routes, des alliés de circonstance, des islamistes. Il convient de noter que dans la plupart des cas les idéologies gauchistes et islamistes sont incompatibles à terme, les premiers sont souvent des mouvements progressistes quand les seconds sont réactionnaires et souhaitent imposer une loi d’ordre, restrictive et traditionnelle. (Qui n’a cependant, et il est important de le dire, rien à voir avec les mouvements réactionnaires français). Si le gauchisme et l’islamisme peuvent s’allier c’est uniquement car ils font face à un ennemi commun, qui leur semble plus dangereux, l’Occident, capitaliste pour l'un, athée dégénéré ou chrétien (l’ennemi héréditaire depuis les Croisades, épisode souvent rappelé par la propagande islamiste) pour l’autre. Il faut noter pour ces derniers que la France est particulièrement visée. Son athéisme est l’inventeur de la laïcité, concept français qui s’oppose frontalement à l’islamisme, sa chrétienté est celle de la Fille aînée de l’Eglise. Cette définition est posée et elle est, semble-t-il, assez claire. Pour autant l’existence théorique d’un concept ne dit rien de l’existence réelle de celui-ci, ni des formes qu’il peut prendre ou a pris, et peut encore à ce stade, bien que défini, n’être qu’un outil rhétorique comme le prétendent certains. Nous allons maintenant dresser un historique (qui ne sera pas parfaitement exhaustif) des manières dont l’islamo-gauchisme s’est exprimé pour les premières fois avant d’aborder sa présence en France.
Histoire extra-française de l’Islamo-gauchisme
L’islamo-gauchisme s’est exprimé, en dehors de la France, avant qu’il ne soit théorisé. Dans son livre, Mohamed Sifaoui dresse une chronologie de l'islamo-gauchisme. En 1952 en Egypte, le roi Farouk est renversé par une collusion entre des “officiers libres” de gauche révolutionnaire et des islamistes issus des Frères Musulmans. Dans un deuxième temps l’islamo-gauchisme s’est exprimé à travers le FLN lors de la guerre d'Algérie. Le Front de Libération National était certes d’inspiration marxiste à l’origine mais disposait également d’une doctrine islamiste, justifiant le combat contre les colonisateurs impies. Après l’indépendance de l’Algérie, le président Amhed Ben Bella met en place une politique économique de gauche socialiste, mais mène également une politique islamiste en exauçant par exemple le souhait d’un de ses proches, Toufik Al-Chaoui, frère musulman, en excluant de la nation les non-musulmans. En 1979 éclate la révolution iranienne qui séduit la gauche, notamment française, voyant dans ce mouvement, en parti islamiste, un formidable combat contre la dictature. Une figure intellectuelle, décédée avant la révolution, est revendiquée par de nombreux révolutionnaires: Ali Shariati auteur du livre Le Chiisme Rouge, qui défend une version extrémiste de l’Islam et l’associe à une doctrine révolutionnaire marxiste. Si certains accusent le terme islamo-gauchisme de n’être aujourd’hui, en France, qu’un outil rhétorique pour décrédibiliser l’opposition, ils auront au moins l’honnêteté de dire que l’islamo-gauchisme défini comme la convergence des luttes gauchistes et islamistes a bien existé dans la deuxième moitié du XXème siècle.
L’islamo-gauchisme dans la France d’aujourd’hui.
L’islamo-gauchisme qui s’est exprimé en France, selon Pierre-André Taguieff, avant tout suite à la seconde Intifada existe en réalité depuis plus longtemps dans les milieux intellectuels de gauche. Nous avons défini l’islamo-gauchisme comme la convergence des luttes des islamistes et des gauchistes, pour faire face à un ennemi commun. Cette convergence peut cependant être, de façon plus faible, idéologique. Les mouvements que l’on appelle gauchiste expriment régulièrement un rejet de l’identité. Un rejet de ce qui constitue la France (ou un autre pays où le mouvement officie). Le propre du cosmopolitisme, trait souvent partagé par les mouvements “gauchistes”, est de vaincre les identités pour ouvrir le monde. Pour effacer les frontières physiques, mais aussi culturelles. Or pour vaincre l’identité qui nous entoure, il peut être opportun de combattre aux côtés des identités qui lui font face. Aussi les mouvements “gauchistes” ont pour volonté de défendre ceux qu’ils croient être les plus faibles dans la célèbre dichotomie qui dirige toutes leurs analyses: oppresseurs/opprimés, dominants/dominés où aucune nuance n’est acceptable. Le musulman autrefois colonisé, aujourd’hui minoritaire, est, selon eux, discriminé en France par un racisme populaire mais surtout par un racisme d’Etat . Aveugles aux discriminations ou aux problématiques des groupes qu’ils ont catégorisés d’office comme dominants, ou au mieux comme moins dominés, les gauchistes se tiennent aux côtés des discriminés. En l'occurrence pour eux les musulmans, mais aussi aux côtés de la force vive chez eux qui souhaitent détruire l’identité française, les islamistes. Aussi la gauche se retrouve dans une solution bien difficile. Le premier parti des ouvriers en France est le Rassemblement national (pour se défendre de ce point la gauche a pour habitude de dire que le premier parti des ouvriers est l’abstention, ce qui ne dit rien, au contraire, de l’incapacité qu’a la gauche de proposer le moindre projet à ce prolétariat qui leur sert normalement de base électorale.) La gauche se retrouve démunie et est obligée de se tourner vers un nouvel électorat, pour certains la bourgeoisie bohème, pour d’autres les immigrés, dont les musulmans représentent une partie non négligeable, qu’une stratégie clientéliste pourrait selon eux attirer. Il y a un problème avec l’Islam en France, il s’agit de sa porosité à l’islamisme, décrite par Bernard Rougier (mais aussi par Kepel ou Micheron), et les mouvements gauchistes font le jeu des islamistes en se servant de l’emprise qu’ont les différents mouvements islamistes sur certains quartiers pour accéder à un électorat et à des militants. Pour le moment cette stratégie est un échec et les partis qui l’adoptent ne remportent pas de francs succès électoraux, si ce n'est localement. Plus tragique, sur le long terme l’islamo-gauchisme risque de coûter très cher à la gauche. Il est indispensable de rappeler que la convergence des luttes est purement circonstancielle, une fois l’ennemi en commun vaincu chacun proposera un modèle de société purement incompatible avec celui de l’autre. Il ne s’agit aucunement dans le présent article de revendiquer une quelconque exhaustivité quant à la présence de l’islamo-gauchisme en France. Des livres et enquêtes le feront bien mieux et de manière plus précise. L’objectif est simplement de pointer du doigt quelques occurrences de l’islamo-gauchisme pour prouver la réalité de celui-ci afin de discuter des enjeux de l’usage de mot. Aussi, quelques figures seulement seront abordées ici. Certains accusent régulièrement les utilisateurs du mot islamo-gauchisme d’en profiter pour pointer du doigt des champs de recherches multiples dans un fourre tout accusatoire sans discernement. Le cas des Universités sera traité de manière plus approfondie dans la vidéo associée sur notre chaîne youtube. (https://www.youtube.com/channel/UCfCEDd8GKf99BymO7qtU0Aw). Cependant il ne s’agit pas, comme certains l’espèrent d’une simple panique réactionnaire. Dans le livre précédemment cité de Bernard Rougier, Pierre-François Mansour consacre un chapitre entier aux liens qui existent entre les études décoloniales et l’islamisme. Les études décoloniales et les études post-coloniales (qui bien que très proches n’abordent pas théoriquement les questions par le même angle, du fait notamment de leur origine différente) sont un champ d’étude qui s’attache à démontrer la continuité des logiques coloniales dans les anciens pays colonisés mais aussi, et c’est évidemment ce qui nous intéresse ici, dans les anciens pays colonisateurs, en l’espèce la France. Ces études ont souvent été pointées du doigt pour leur manque de sérieux et de méthode et pour leur mise au service d’idéologies de gauche . Les mouvements islamistes se basent en effet en partie sur ce champ de recherche pour faire avancer leurs pions. Par exemple le CCIF (aujourd’hui dissous) structure affiliée aux Frères Musulmans selon plusieurs spécialistes de l’islamisme en France (Hugo Micheron par exemple) utilise la notion d’islamophobie supposément héritée de la colonisation. Le prédicateur marocain Aïssam Aït-Yahya est une figure de l’alliance entre décolonialisme et islamisme : il développe dans un entretien accordé à Ana Muslim (groupe jihadiste dont les membres sont partis en Syrie et ont été défendus par Marwan Muhammad président du CCIF), que lire l’histoire de l’Algérie et de la colonisation algérienne donnera le sentiment au lecteur de décrire le traitement assuré aux musulmans en France aujourd’hui ! Il défend également un retour à un Islam plus pur pour les musulmans de France. Aïssam Aït-Yahya a été invité à Paris XIII pour une conférence sur la laïcité, dont le titre était “La laïcité française, une laïcité radicale ?”. Une figure politique représentant l’islamo-gauchisme en France et reprenant à son compte les thèses décoloniales est bien évidemment Houria Bouteldja, porte parole du PIR (parti des Indigènes de la République) jusqu’en 2020. Proche de Ramon Grosfoguel, figure du mouvement décolonial américain, Houria Bouteldja développe avec le PIR la théorie selon laquelle les immigrés seraient en France traités et discriminés selon des logiques coloniales. Or en 2012 madame Bouteldja publiera une prise de parole où elle se comparera à Mohamed Merah. Le but n’est pas de dire évidemment qu’elle aurait pu faire un tel attentat, dans son propos elle explique que si le terroriste Mohamed Merah a tué sept personnes dont trois enfants juifs c’était avant tout dû à l’islamophobie dont seraient victimes les musulmans de France. Ainsi la lutte contre le colonialisme, lutte de gauche depuis la fin de la seconde guerre mondiale, se trouve instrumentalisée pour justifier l’action des islamistes et pour mettre en cause la société française et son islamophobie. Nous reviendrons un peu plus loin sur l’usage du mot islamophobie. Pour illustrer la réalité de l’islamo-gauchisme, deux figures du paysage médiatique français sont évoquées par Mohamed Sifaoui dans son livre: Edwy Plenel et Tariq Ramadan. Ce dernier est le petit-fils du fondateur des Frères musulmans, le fils du fondateur de la branche palestinienne du mouvement et est le frère de Hani Ramadan, interdit de séjour sur le territoire français, et défenseur de la lapidation. Tariq Raman est la figure parfaite de la stratégie de ce groupe islamiste dans sa méthode d’action, insidieuse. Il est l’auteur d’une thèse hagiographique et apologétique sur son grand-père, a été interdit de séjour en France en 1995 du fait de sa proximité avec les Frères Musulmans, et en 2004 est interdit de VISA pour les Etats-Unis. Tariq Ramadan est accusé de porter un double discours, de s’adapter à son public, modéré dans les médias mais prêchant une vision littérale de l’Islam dans d’autres sphères. Le journaliste Edwy Plenel, fondateur de Médiapart et militant trotskiste dans les années 70 est qualifié d’islamo-gauchise du fait tout d’abord de sa proximité avec Tariq Ramadan. Témoins de cette proximité: sa participation à une rencontre organisée dix jours après les attentats de Charlie Hebdo par des “cercles proches de la pensée des Frères Musulmans” (où Tariq Ramadan le fait applaudir à son arrivée) afin de présenter son ouvrage Pour les musulmans, où il a tenu des propos semblant légitimer les attentats, ou du moins reprochant à Charlie Hebdo sa ligne éditorial dans un moment somme toute inapproprié “On ne fonde aucune culture sur la dérision. La dérision, le sarcasme et l'injure sont des barbaries.” Mais l’accusation d’islamo-gauchisme que se traîne Edwy Plenel est due à l’origine à un propos qu’il a tenu dans Rouge où il écrivait sous le pseudonyme de Joseph Krasny “Aucun révolutionnaire ne peut se désolidariser de Septembre Noir” au lendemain des attaques terroristes de 1972 à Munich par le groupe terroriste palestinien Septembre Noir. Ces propos de jeunesse, Edwy Plenel les condamne aujourd’hui. L’islamo-gauchisme en France, en tant que réalité d’association entre l’islamisme sous toutes ses formes et gauchisme dans toutes ses dérives, est une nébuleuse de proximités, de crédits accordés à des intellectuels, de non-dits, et de tolérance dangereuse. Ainsi diverses figures peuvent être associées à l’islamo-gauchisme du fait de leur proximité avec celles déjà évoquées. Si la France Insoumise par exemple fait souvent les frais des accusations d’islamo-gauchisme c’est parce que Daniel Obono qualifie Houria Bouteldja de “camarade”, ou que Jean Luc Mélenchon se retrouve à la marche contre l’islamophobie organisée entre autres par le CCIF où plusieurs figures de l’Islam radical se trouvaient. De nombreux autres acteurs auraient pu être évoqués tels la FCPE, l’Unef ou la LDH (dont Jean-Pierre Obin dénonçait les dérives dans son livre Comment a t-on laissé l’islamisme pénétrer l’école)
L'islamophobie, arme de l’islamo-gauchisme ?*
Ce sujet mérite un article à lui seul, comme tant d’autres passages du présent article qui sera amené à être complété par d’autres, je ne vais donc pas m’étendre plus que nécessaire. Le CCIF aujourd’hui dissout (et reformé sous le nom de CCIE) faisait de son fer de lance le combat contre l’islamophobie. Mais qu’est ce que l’islamophobie ? Selon le Larousse l’islamophobie est “l’hostilité envers l’Islam, envers les musulmans.” Définition que vient confirmer le Robert. Le problème du terme islamophobie est donc qu’il qualifie à la fois l’hostilité envers des individus et envers une religion. Le sentiment qui anime bon nombre de militants et sympathisants de la gauche est celui de la pitié, ainsi que celui de l’injustice. Le militant de gauche est convaincu de défendre le plus faible, celui qui est oppressé. Ainsi la stratégie de l’islamisme pour utiliser la gauche est la victimisation constante (comme décrit dans le livre de Mohamed Sifaoui). L’islamophobie est un formidable outil pour faire croire qu’il existerait une oppression sur les musulmans de France, justifiant absolument la défense des musulmans. Alors même que les agressions anti-juives et anti-chrétiennes sont bien plus nombreuses que les agressions anti-musulmans. Quant à la supposée islamophobie d'État, celle-ci n’a jamais été démontrée, les lois en accord avec le principe de la laïcité française s'appliquent à toutes les religions. Mais en mettant ainsi les musulmans en position supposée d’opprimés, une partie des militants de gauche semble ne plus pouvoir tolérer aucune critique qui puisse les mettre en cause de près ou de loin . C’est là que réside l’arme de l’islamophobie. En interdisant toute critique, légitime, qui viserait à s’attaquer à l’Islam en tant que religion ou même à l’islamisme, et en associant cette critique à un racisme (depuis quand une religion est-elle une race ?). Très promptes à crier au “Pas d’amalgame” après les attentats, les utilisateurs de ce terme, islamophobie, sont ceux qui commettent régulièrement l'amalgame en souhaitant judiciariser pour discrimination toute controverse idéologique sur l’islamisme. Pour se défendre face à cette accusation les utilisateurs du mot islamophobie rétorquent que le mot préexistait aux phénomènes d’islamisme et leur introduction en France. Par exemple en 1910 dans La Politique musulmane dans l’Afrique occidentale française. Cette défense est très fragile. La thèse de l’auteur est que la croyance que l’Islam empêche une bonne administration coloniale est fausse. Le contexte est tout à fait différent, et la critique posée ci-dessus au terme d’islamophobie est une critique de son usage actuel. Tout comme le mot islamisme (qui avait le sens d’Islam auparavant, la religion, avant d’être effacé au profit du sens actuel), le terme Islamophobie a fortement évolué et est en effet devenu une arme des islamistes, utilisé par les personnalités de gauche. Comme solution à ce problème, deux mots doivent être créés afin de faire la distinction entre hostilité envers musulmans et Islam. Anti-musulmanisme par exemple. On évitera le suffixe “phobie”, pour le mot désignant la critique de l’Islam, puisqu’il a vocation à psychiatriser le débat et ainsi à l'hystériser en faisant passer la critique pour une folie.
Les enjeux du terme Islamo-gauchisme.
Jean-Michel Blanquer, Frédérique Vidal, Gérald Darmanin. Les ministres emploient tour à tour le terme islamo-gauchisme. Mais à gauche, ça ne passe pas, pas du tout. Nous l’avons vu l’islamo-gauchisme est accusé par beaucoup d'être un simple outil rhétorique, une tentative de disqualification de l’opposition de gauche. L’usage du terme s’est multiplié depuis que les ministres l’ont employés, et certains accusent ainsi le gouvernement de faire le jeu de l’extrême droite. Que l’on ne s’y trompe pas, l’islamo-gauchisme est une réalité, c’est un concept qui a ses émanations, pour autant dire de quelqu’un qu’il est un islamo-gauchisme est un outil de disqualification, et en ce sens un outil rhétorique. Mais tout comme le terme facsime renvoie à une réalité historique et/ou politique le terme fasciste peut être utilisé comme un outil rhétorique de disqualification. Qu’il y ait un usage rhétorique d’un terme ne veut pas dire que la notion n’a aucune forme de réalité. Il faut bien distinguer les deux. De même, certains avancent que la promotion de ce terme par le gouvernement montre une volonté de ne pas parler d’autres choses, la situation du pays due à la gestion de la Covid par exemple. Il est possible que le gouvernement ne souhaite pas aborder les problèmes dont il est, au moins en partie, responsable et préfère pointer du doigt d’autres sujets. Mais cela veut-il dire que ces autres problèmes n’existent pas ? Loin de là ! Et l’islamo-gauchisme est en effet un réel danger car donne des armes, très puissantes, aux ennemis de la France: les islamistes. Mais la gauche réagit fortement à l’emploi du terme islamo-gauchisme. Cela s’explique assez facilement. La gauche domine le champ intellectuel depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et a progressivement assis son emprise sur les mentalités et le vocabulaire. Les mots ont un grand pouvoir, c’est en imposant tout d’abord les mots que l’on impose les concepts dans le champ médiatique. Si l’on ne nomme pas un concept on ne peut le défendre, l’expliquer ou l’approfondir. La gauche imposait ses mots jusqu’alors pour qualifier ses opposants (ultra-réactionnaire, ultra-libéralisme, fascisme), pour se qualifier elle-même (progressisme) mais surtout pour créer des concepts (patriarcat, racisme systémique, post-colonialisme…). Ce qui se passe en réalité à travers cette polémique, c’est la panique de ceux voyant leurs opposants utiliser les mêmes armes qu’eux. Il n’est ainsi pas très étonnant de voir certains qualifier l’islamo-gauchisme de n’être qu’un outil rhétorique sans aucune réalité scientifique, ou d’autres interdisant de chercher la moindre définition et disqualifiant ce concept au préalable avant même de l’étudier ne serait-ce que légèrement pour vérifier au moins l’existence factuelle de l’islamo-gauchisme. Étudier ce phénomène serait le légitimer. Le CNRS, à qui ironiquement Frédérique Vidal souhaitait donner la mission d’étudier le phénomène d’islamo-gauchisme alors qu’une partie des chercheurs du CNRS sont justement accusés d’islamo-gauchisme, dans son communiqué accuse certains de profiter du terme islamo-gauchisme afin de censurer certains champ de la recherche: les études décoloniales en première ligne. Il s’agit là encore d’une sorte de renversement accusatoire. En effet, ce sont bien les tenants de la gauche en général qui sont les accoutumés depuis des décennies de la censure dans les universités. Olivier Pétré-Grenouilleau, auteur d’un livre sur les traites négrières a été victime d’une polémique cherchant à le faire taire pour avoir osé chiffrer les traites atlantique et arabo-musulmane. De même, Sylvain Gouguenheim, historien, a été attaqué pour son ouvrage Aristote au Mont Saint Michel, où l’auteur remettait en question l’apport du monde arabe à l’Europe Chrétienne dans la transmission de la philosophie grecque. Il ne s’agit que d'exemples auxquels il faut ajouter les multiples pressions que subissent les universités, les poussant par exemple à annuler la tenue de conférences, comme celle de Finkielkraut à Sciences-Po. Ce n’est pas l’anathème d’islamo-gauchisme qui cause du tort aux universités aujourd’hui. Les cris d’orfraie à la menace de censure sont tout à fait ironiques dans ces conditions. Les diverses polémiques autour du terme islamo-gauchisme démontrent ainsi les rapports de force qui sont en jeu dans la maîtrise du vocabulaire politique, et montrent la peur d’une caste et d’idéologies dominant le champ intellectuel et universitaire depuis plusieurs décennies de devoir céder du terrain. Le terme d’islamo-gauchisme renvoie à des réalités concrètes, qu’il est impératif de pointer du doigt. L’islamisme a besoin de la gauche pour faire avancer ses pions, en luttant par exemple contre le modèle assimilationniste français qui l’empêche d’occuper l’espace social. Il est capital de prendre conscience de ces luttes sous-jacentes pour appréhender toute la subtilité des rapportes de force et des collusions dont use et abuse l’islamisme. Pour autant, il ne faut pas nier les divers abus qui sont associés à l’usage du terme islamo-gauchisme. Il est fort à parier, et tant mieux, que l’islamo-gauchisme sera un champ d’avantage étudié à l’avenir afin de préciser ses contours et réalités
Sources et lectures diverses :
- La Nouvelle Judéophobie-Pierre André Taguieff
- Les territoires conquis de l’islamisme-Bernard Rougier
- Le jihadisme français-Hugo Micheron
- Les fossoyeurs de la République, islamo-gauchisme l’enquête inédite-Mohamed Sifaoui
- Comment on a laissé l’Islamisme pénétrer l’école-Jean-Pierre Obin
- La fracture-Gilles Kepel
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Olivier_Grenouilleau
- https://www.valeursactuelles.com/societe/censure-dalain-finkielkraut-a-sciences-po-ce-qui-sest-vraiment-passe/
- https://www.marianne.net/societe/entretien-avec-pierre-andre-taguieff-premiere-partie-questce-que-lislamo-gauchisme
- https://www.marianne.net/societe/entretien-avec-pierre-andre-taguieff-deuxieme-partie-la-posture-islamo-gauchiste-a-luniversite
- https://www.marianne.net/societe/entretien-avec-pierre-andre-taguieff-troisieme-partie-les-censeurs-jouent-les-censures
- https://www.lefigaro.fr/flash-actu/pour-le-gouvernement-le-terme-islamophobie-est-inapproprie-20210330
Études décoloniales
- https://jean-jaures.org/nos-productions/radiographie-de-la-mouvance-decoloniale-entre-influence-culturelle-et-tentations
- https://www.leparisien.fr/sciences/etats-unis-trois-farceurs-piegent-des-revues-scientifiquesavec-de-fausses-etudes-05-10-2018-7911603.php
- https://www.lefigaro.fr/vox/societe/la-controverse-sur-les-etudes-decoloniales-oppose-deux-visions-du-monde-2021040
Les opposants à l’utilisation du terme d’Islamo-gauchisme:
- https://www.cnrs.fr/fr/l-islamogauchisme-nest-pas-une-realite-scientifique
- http://www.cpu.fr/actualite/islamo-gauchisme-stopper-la-confusion-et-les-polemiques-steriles /
- https://www.youtube.com/watch?v=bS8evauze_s
- https://www.youtube.com/watch?v=YLKCVKuGWFQ&ab_channel=LEBONSENS-AntoineL%C3%A9aument