PATRIMOINE
Introduction
La mission Bern initiée en 2018 par la fondation du patrimoine et soutenue par le ministère de la Culture ainsi que par la Française des jeux a choisi pour devise « notre patrimoine est fragile ». Cette formule met le doigt sur un problème politique, la dégradation de l’état du patrimoine français, tout en éludant la question de la responsabilité, comme si la fragilité faisait partie de l’essence même du patrimoine. De « Pater » (père) et « munio » (munir), le patrimoine est à l’origine l’ensemble des biens transmis par le père à l’échelle familiale, par les pères à l’échelle nationale. Il sera uniquement question ici du patrimoine matériel, lequel inclut les patrimoines immobilier, mobilier et naturel (paysages), sachant qu’il est la manifestation d’un héritage immatériel, celui de l’esprit qui dessina telle architecture ou du savoir-faire qui modela tel paysage. À noter également que nous ne nous intéressons pas uniquement au patrimoine reconnu officiellement par l’inscription ou la classification, étant donné la part d’arbitraire qui appartient à de telles décisions et surtout parce que le patrimoine sans grande valeur historique (au sens de la « grande histoire ») ou esthétique ne mérite pas moins d’être protégé pour sa valeur symbolique et identitaire.
Il nous semble qu’un tel patrimoine n’est, en tout cas en France, aucunement « fragile » du point de vue de la qualité comme de la quantité. Évidemment la mission Bern ne le nie pas mais cherche à frapper l’esprit des Français en les informant de la détérioration du patrimoine, laquelle est bien réelle. Elle est en fait le signe de notre propre fragilité, de notre impuissance à nous montrer à la hauteur de l’héritage reçu.
Pourquoi entretenir notre patrimoine ?
La question peut sembler superflue vu l’attachement naturel qu’ont les Français pour les œuvres qui les ont vu grandir et qui se manifeste par exemple par le succès de la mission Bern. Il nous semble pourtant qu’il faille fonder cet effort national sur une réflexion de nature à être une véritable alternative à la politique gestionnaire du patrimoine qui est trop vite qualifiée de « réaliste » face à une politique « sentimentale ». Prendre soin de notre patrimoine est pourtant la seule option réaliste. Il est en effet une force plutôt qu’une fragilité, de sorte qu’investir en faveur des oeuvres du passé n’est pas une triste nécessité pour guérir notre nostalgie mais une garantie sûre pour l’avenir, et ce pour différentes raisons:
- il est l’un des piliers du rayonnement français, largement admiré et étudié à l’échelle mondiale (l’émotion suscitée par l’incendie de Notre-Dame de Paris en est une illustration) de sorte qu’il motive un tourisme important; dans une période où l’on aime opposer la fluctuation mondiale des biens et des personnes à un soi-disant « repli sur soi » nationaliste, il permet d’articuler ces deux tendances en rappelant que si l’échange avec les autres pays a un sens, c’est parce que nous possédons des trésors particuliers fruit d’une histoire millénaire;
- il est l’un des piliers de la formation du citoyen à la tradition qui l’a précédé puisqu’il en est le témoignage; il est nécessaire à la fois à l’enseignement de l’histoire en tant que document et à la formation pratique en tant que modèle technique et artistique; plus généralement, toute discipline a intérêt à y puiser son inspiration, y compris la science qui doit connaître ses antécédents avant de pouvoir innover.
- il est enfin et surtout le pilier de la communauté nationale dans la mesure où il rend visible la continuité de celle-ci à travers le temps; il symbolise cette communauté puisqu’il en est le fruit et permet ainsi de la faire perdurer créant à la fois un lien vertical avec nos ancêtres et un lien horizontal avec les autres héritiers qui se retrouvent dans la contemplation de ces oeuvres, dans le « goût commun »; l’attachement réel des Français à leur patrimoine est la partie sensible de leur patriotisme, et il n’y a pas de poursuite d’un « intérêt public » sans sensibilité à ce que cette communauté publique a réalisé de beau et de durable.
Nos solutions pour renforcer la politique en faveur du patrimoine
En ce qui concerne le patrimoine immobilier en général : En juin 2022 la Cour des comptes publiait un rapport sur la politique de l’État pour le patrimoine monumental; en ressort notamment une vive inquiétude quant à l’avenir de la conservation des monuments étant donné que l’État s’est retiré depuis 2009 de la maîtrise d’ouvrage et d’œuvre des monuments classés dont il n’est pas le propriétaire (51% des monuments historiques appartiennent aux collectivités locales, 43% à un propriétaire privé) alors même que la classification est le plus haut degré de valorisation auquel peut accéder un bâtiment, juste après l’inscription. Quant à l’état actuel des monuments, aucun rapport officiel ne l’a analysé depuis 2018 où l’on comptait environ un quart d’immeubles classés ou inscrits en mauvais état voire en péril.
La première mesure à prendre est de garantir le suivi des bâtiments en actualisant un carnet sanitaire pour chacun d’eux; l’état de ceux-ci est généralement connu des services et populations locales, centraliser ces informations permettrait de hiérarchiser les besoins d’intervention, les subventions, et ainsi d’éviter les situations d’urgence absolue.
Il s’agit d’étendre l’effort de soin à un patrimoine plus large; pour ce faire l’inscription (premier degré de protection) doit déjà entraîner des obligations en ce qui concerne la restauration, notamment en systématisant les procédures de conseil et de contrôle par les services départementaux compétents, c’est-à-dire la Conservation régionale des monuments historiques et les CAUE, conseils d’architecture, d’urbanisme et d’aménagement public à l’échelle départementale. En effet le patrimoine inscrit est celui dont le « rayonnement » opère à l’échelle régionale d’après les mots du ministère de la culture, ce qui justifie la mainmise des services départementaux. Le recours à un architecte du patrimoine au minimum pour la mise en œuvre (aujourd’hui le recours à un architecte pour restaurer est la seule contrainte) semble de plus être logique pour tout monument dont la valeur est reconnue officiellement.
En ce qui concerne le patrimoine religieux en particulier: Le cas des églises mérite notre attention étant donné leur importance dans le patrimoine national (la France se situant juste après l’Italie dans le palmarès des patrimoines religieux les plus fournis et la majorité étant affectée au culte catholique). Les églises sont autant de repères dans les villes et villages, sinon spirituels au moins géographiques et matériels. Leur présence partout sur le territoire marque l’unité de l’empreinte chrétienne sans homogénéiser le paysage; au contraire, chaque région a ses clochers typiques et ses clochers exceptionnels. Or 15 000 édifices religieux seulement sont protégés sur un ensemble d’environ 100 000 édifices. Il est aberrant que les communes, propriétaires des églises construites avant 1905, n’aient aucune obligation d’entretien (et donc aucune aide de l’État à moins d’un projet particulier).
C’est pourquoi nous proposons d’inscrire d’office toutes les églises françaises construites avant 1905 afin qu’elles bénéficient de plus de protection. Ceci suppose de les répertorier, au moyen d’une opération d’inventaire nationale, entreprise qui n’a pas été menée depuis les années 80, en conséquence de quoi nous ne connaissons les besoins de rénovation d’une église que lorsqu’elle menace de s’effondrer. Les départements ou les préfectures, les premiers ayant l’avantage d’être composés de membres élus directement par les cantons, les deuxièmes permettant un meilleur contrôle des opérations par le ministère de la culture, seront responsables de leur financement, que les communes sont en effet rarement en mesure d’assurer. La maîtrise d’ouvrage leur revient en revanche au titre de propriétaires des églises construites avant 1905. Il reviendra aux CAUE d’effectuer un contrôle régulier de l’entretien des églises.
Pour assurer sa fonction de protecteur du patrimoine, l’État doit s’en donner les moyens scientifiques, sans quoi on préférera légitimement les entreprises de restauration privées. Le travail d’entretien du patrimoine nécessite un corps de professionnels important et compétent. Le rapport de la Cour des comptes déjà mentionné s’inquiète du manque de prévision dans la transmission des compétences tant pour la maîtrise d’ouvrage que pour la maîtrise d'œuvre. Les métiers de la maîtrise d’ouvrage ou du contrôle scientifique relevant du ministère de la culture sont à soutenir, d’abord économiquement en revalorisant les salaires, déséquilibrés par rapport aux autres ministères, plutôt qu’en injectant des sommes faramineuses sur certains chantiers pour pallier le manque de prévision. Il s’agit aussi de faciliter l’évolution de la carrière de ces employés vers la maîtrise d'œuvre. Ainsi cette filière, la maîtrise d'œuvre, serait accessible de manière interne, ce qui semble logique vu les compétences que développent les ingénieurs et techniciens des services culturels et des bâtiments de France dans le domaine du patrimoine. Quant à la voie d’accès par concours, elle semble mal organisée, trop irrégulièrement mise en place pour rendre le métier d’architecte en chef des monuments historiques visible. Il s’agit donc de mieux prévoir les besoins de la filière et de la faire mieux connaître par les éventuels intéressés, ce qui sera facilité par une réforme de l’éducation visant à professionnaliser davantage et à orienter vers des métiers d’intérêt général grâce au service civique notamment. Nous vous renvoyons à la partie Éducation du Manifeste. La remise à niveau des enseignements artistiques permettra la formation de praticiens comme de théoriciens de l’art, à même de transmettre le goût du patrimoine. L’implication de la jeunesse dans les chantiers de restauration passe également par des associations, déjà fort nombreuses mais qu’il serait bon de faire connaître par des partenariats avec l’éducation nationale.
Nous voudrions encore insister sur le fait que le patrimoine ne se résume pas aux œuvres du passé labellisées mais à l’ensemble des constructions pour peu qu’elles aient participé à la vie de la nation. C’est pourquoi nous ne devons pas seulement conserver le patrimoine mais le prendre en compte lorsque nous créons des bâtis nouveaux. Le patrimoine a toujours inspiré les créateurs, qui de tout temps ont pourtant su innover. Il ne s’agit pas de réglementer la création artistique en général, mais seulement dans la mesure où elle se mêle à la décision politique, comme c’est le cas de l’aménagement du territoire. Dans ce cas précis, le maître d'œuvre touche à la vie quotidienne des citoyens, leur impose un cadre sensible, c’est pourquoi il est légitime d’en réglementer l’activité. En matière de patrimoine, la proximité de monuments historiques est seule contraignante. Cela ne suffit pas si l’on adopte une vision plus large du patrimoine. Il faut empêcher les constructions qui n’ont rien à voir avec leur paysage architectural et réhabiliter la notion de continuité historique, de beauté reconnue par la tradition.
Ces notions sont évidemment délicates à appréhender, c’est pourquoi il est juste de laisser une certaine souplesse aux collectivités municipales, qui assument la mission d’édicter le plan local d’urbanisme et de délivrer ou non des permis de construire, pour les définir plus précisément. Cette réflexion devrait cependant devenir obligatoire dans l’élaboration du PLU au lieu de n’être qu’une possibilité, faisant ainsi pendant au diagnostic de l’impact écologique, aujourd’hui seuls les sites ayant un intérêt patrimonial particulier bénéficie de ce scrupule. Quant aux constructions initiées par l’État ou par des collectivités territoriales, l’exigence de continuité historique semble aller de soi, ces corps publics incarnant la continuité de la nation. Les nouvelles colonnes Morris, innovantes sur le plan écologique de par leur matériau et la part d’énergie renouvelable qu’elles consomment, sont un modèle à suivre pour les constructeurs désireux de s’inscrire dans la tradition. Leur design revu à l’occasion de leur remplacement et conçu avec l’aide d’un historien de l’architecture perpétue en effet l’esprit des premières colonnes Morris, preuve s’il en faut que l’innovation ne va pas sans imitation. Paul Valéry l’a dit mieux que personne, « la tradition ce n’est pas de refaire ce que les autres ont fait mais de retrouver l’esprit qui fait ces choses et en ferait d’autres en d’autres temps ». Il faut à tout prix que l’État retrouve la volonté de perpétuer cet esprit, dont l’aménagement du territoire et les commandes purement décoratives seront les fruits, de sorte que le peuple français s’y reconnaisse, au lieu qu’il hausse les épaules devant des constructions ingénieuses mais laides au mieux, laides et inutiles au pire.
Nous souhaitons rappeler que la fin dernière de la conservation du patrimoine n’est pas de s’enrichir en le vendant; le patrimoine est déjà une richesse nationale et n’a pas vocation à être échangé telle une marchandise. Heureusement le patrimoine immobilier échappe par nature à la fluctuation des marchandises, mais il en devient une si sa gestion se fait selon des critères purement financiers, c’est-à-dire dans le cas où l’on ne finance que des projets promettant d’être rentables à court terme, et pire encore en devenant le prétexte d’une industrie culturelle, faite de produits dérivés et d’évènements en tous genres. La menace de marchandisation est d’autant plus importante en ce qui concerne le patrimoine mobilier, lequel peut matériellement circuler sur le marché international, comme l’illustre entre autres exemples la location d’oeuvres du Louvre à sa nouvelle antenne à Abu Dhabi, largement critiqué par les conservateurs de musée comme une violation du principe d’inaliénabilité des oeuvres nationales.
Mener une politique à échelle nationale en ce qui concerne les musées ne se réalisera pas aux dépens des autorités scientifiques, au contraire, l’État est la seule puissance à même de garantir leur autonomie. Il serait bon de créer un statut propre aux musées, actuellement simples établissements publics, qui leur impose la direction d’un professionnel, au lieu qu’aujourd’hui certains musées soient dirigés par de haut fonctionnaires sans expertise relative au patrimoine. Il revient de plus à l’État de garantir l’unité de la politique patrimoniale à l’échelle du territoire national au lieu de laisser les collectivités territoriales souveraines en matière culturelle. Le patrimoine est trop facilement réduit à une arme de prestige pour les hommes politiques tant qu’il n’est pas soumis au pouvoir de l’État plus précisément qu’en tant qu’établissement ayant pour mission « l’intérêt général ». En effet toute dépense en faveur du patrimoine contribue théoriquement à cet intérêt général, seulement les ressources publiques ne sont pas infinies et certains projets semblent plus légitimes que d’autres, d’où la nécessité de centraliser les décisions.
Les dépenses des collectivités territoriales vouées à « la culture » englobent des réalités très différentes. Le caractère vague de ce terme doit nous inciter à juger avec prudence des politiques dites « culturelles »; connotée positivement, la culture paraît être un domaine sacré de l’activité humaine pour lequel aucun effort ne serait excessif. Tout politique sérieuse doit pourtant se confronter à la finitude des moyens et donc discriminer entre les nécessités apparentes. Il est possible de renforcer la politique patrimoniale sans augmenter la part du budget réservé à la « culture » à condition d’utiliser celle-ci autrement. Un quart en est aujourd’hui affecté au patrimoine, 22% à la création, dont 85% au spectacle vivant. D’autre part, au sein même du budget réservé au patrimoine, la répartition n’est pas optimale entre grands travaux, et entretien d’un patrimoine plus local.
Pour finir, des mesures seront prises pour inscrire le patrimoine dans la vie publique, c’est-à-dire pour qu’il bénéficie à celle-ci; il ne s’agit en effet pas de conserver le patrimoine dans le seul but de le préserver et ainsi de faire de la France un musée mais bien de ne pas laisser mourir ce qui a été déposé en lui. Écoles pour l’esprit et les sens, les édifices historiques sont des lieux qu’il nous importe de repeupler par des manifestations collectives, à condition évidemment de respecter l’esprit du lieu. Nous proposons par exemple de refaire des églises des lieux de convivialité pour tous, autour de pratiques artistiques (concert de musique savante, déclamation etc.) ou sociales (distribution alimentaire, associations caritatives etc. ) à condition d’obtenir l’autorisation de l’affectataire. Plutôt que d’une mesure gouvernementale, il s’agit ici de donner une orientation générale au ministère de la culture pour les pratiques qu’il subventionne et une incitation pour les collectivités territoriales propriétaires des édifices.
Il s’agit de transmettre le sens du patrimoine verticalement, aux enfants; à cette fin nous promouvons une véritable éducation par le patrimoine, en encourageant les écoles à dispenser des leçons in situ, et horizontalement, par le tourisme. Celui-ci doit être réorienté vers cette vocation d’apprentissage, pour les étrangers et à fortiori pour le tourisme franco-français. L’accès au patrimoine, les visites doivent donc être travaillés et encadrés par des professionnels issus de formations historiques et artistiques plutôt que d’écoles de communication. Afin de mener à bien cette réorientation d’une activité si importante pour notre économie, nous proposons d’en récapituler les enjeux et d’avancer des mesures politiques particulières.
TOURISME
Les étapes du tourisme en France.
Avant d’avoir l’image de marées d’êtres humains se baladant en paquebot de port en port, le tourisme a eu des débuts plus nobles. Il était vraiment réservé à la noblesse anglaise, un peu plus tard imitée par les Français, les Allemands et les autres pays européens. Le précurseur est le Grand Tour, un voyage d’un à deux ans à travers l’Europe dans un but culturel et éducatif pour les jeunes hommes, beaucoup plus rarement les femmes, dans l’intention de parfaire leur instruction, en majorité des humanités classiques et ainsi les ouvrir à d’autres centres d’intérêts.
Alors que leur pays se lance dans une franche industrialisation, notre territoire est une pépite pour les romantiques anglais: la France est riche en diversité culturelle et paysagère, le tout dans un monde encore très paysan. Dès la fin du XVIIIe siècle, ils seront fortement présents sur la Côte d’Azur, l’hiver étant en plus bien plus doux qu’à Londres, puis en montagne attirés par le relief. Avec la Révolution industrielle, la France va aussi se modifier, en particulier ses moyens de transports. Les premiers « bains de mers » se développent sur l’ensemble des littoraux, que ça soit au sud ou au nord, souvent dans des villages déjà existants et dans le sillage des nouvelles lignes de chemins de fer. Même la Côte d’Opale accueillera des stations balnéaires. On rationalise alors la construction des infrastructures sur un lieu précis : casinos, hôtels...déjà les littoraux sont grandement modifiés.
20 juin 1936. Des millions de travailleurs et de familles vont avoir une période de vacances et ont l’intention de se diriger vers les littoraux. Dès les années 50, le tourisme de masse entre par la grande porte. L’Europe entière connaît un développement du tourisme de loisirs et la France est en très bonne situation par son emplacement géographique et ses moyens de transport bien établis, auxquels va s'ajouter la voiture. Jusqu’aux années 80, sous l’effet de masse et de l’augmentation des congés payés ainsi que de l’allongement de l’espérance de vie, tout va s’enchaîner : uniformisation des stations balnéaires, développement du tourisme de montagne, développement du tourisme sportif, de la campagne, de la gastronomie, du vin et bien sûr développement du tourisme culturel et patrimonial. L’augmentation de l’utilisation de l’avion, l’apparition des compagnies à bas-coûts et la chute du Bloc de l’Est vont amener toujours plus de tourisme en France, lui offrant la première place mondiale grâce à une situation confortable.
Les atouts du tourisme en France
Ils sont multiples.
- Une géographie exceptionnelle. En effet, notre pays est ouvert sur 2 mers et un océan, comptabilisant environ 1000 km de littoraux variés. L’Est et le Sud sont bordés de grandes montagnes (Pyrénées, Alpes), les moyennes montagnes sont aussi présentes ( Vosges, Massif Central, Jura...) nous avons des bassins ( Parisien, Aquitain...), des plaines côtières ( Flandres, Landes...) mais aussi des vallées de grands fleuves ( Seine, Loire, Garonne...) qui traversent le territoire. Tous ces lieux donnent à la France cinq climats différents sur un territoire (métropolitain !) de 540 000 km2. Nous avons par ce territoire un grand atout pour un tourisme tourné de plus en plus vers la nature, les déplacements y étant par ailleurs facilités par le réseau de transports. Un avantage non négligeable. Ces lieux diversifiés ont poussé la France à fortement aménager le territoire pour le tourisme et satisfaire tous les goûts possible avec la côte et ses stations balnéaires, la montagne et ses domaines skiables, un domaine forestier organisé et géré, un espace rural spacieux, une densité humaine modérée et des fleuves parcourant le pays.
- Le riche patrimoine matériel dont nous avons hérité : Le patrimoine architectural, composé de sites remarquables ( Châteaux de la Loire, Tour Eiffel, Mont Saint-Michel...), de groupements homogènes de constructions régionales, de lieux religieux. Le patrimoine mobilier, composé des peintures, des sculptures mais aussi encore d'autres objets divers et variés. Le patrimoine vernaculaire, qui est propre à chaque région et sous lequel sont rassemblées les constructions ayant eu une utilité historique pour les habitants ( croix de chemins, pigeonniers, fours à pain, lavoirs...). Et le dernier en date, le patrimoine industriel constitué d'usines, de manufactures ou encore de mines.
- Un patrimoine immatériel encore plus grand rassemblant les traditions et expressions orales ( contes, légendes, chants... ); la connaissance locale de l'environnement naturel ( rites, croyances...); les pratiques sociales allant des coutumes aux fêtes de villages, si elles ont une importance pour la communauté, elles comptent dans ce domaine; l'artisanat traditionnel, concrétisation la plus matérielle de ce type de patrimoine, englobe le savoir-faire et les savoirs annexes à la production artisanale.
Par cette présentation non exhaustive des atouts dans le domaine touristique, nous comprenons rapidement la raison pour laquelle la France est le pays le plus visité au monde. Ce patrimoine est l'héritage de plusieurs siècles de créations culturelles, de guerres et destructions, de choix politiques historiques et de préservation.
Les points noirs
Mais le tourisme ne va pas sans poser de problèmes. S’il est fortement positif pour les ressources financières publiques et qu'il donne de l'emploi à des centaines de milliers de personnes, ses impacts directs ou indirects peuvent aussi être terriblement négatifs. Les bénéfices et dégâts qu'implique le tourisme ont une certaine universalité du fait de la mondialisation mais chaque pays a une situation particulière. Après avoir vu ses bons côtés, voyons ce que le tourisme a de mauvais pour notre nation.
-Une dépendance aux touristes étrangers : le Covid a eu un impact catastrophique sur le tourisme français. En effet, 80 millions de touristes étrangers, en majorité européens, arrivaient chaque année, apportant des millions d'euros à travers les visites culturelles, les loisirs et le shopping. Leur absence a obligé l'Etat à aider le secteur, montrant la vulnérabilité de l'économie touristique française aux fluctuations mondiales.
-Une concentration économique : demandez à un étranger ce qu'il faut visiter en France, il parlera de Paris, du Mont Saint-Michel, de la Côte d'Azur et du ski. Et il n'aura pas tort, car ce sont les lieux les plus visités de France. Le reste du territoire est trop laissé de côté, ne pouvant ainsi pas bénéficier d'un financement qui pousserait le secteur à s'y investir et créant ainsi un cercle vicieux de centralisation toujours plus importante.
-Un danger de folklorisation progressive : le profit passe avant tout dans le tourisme. Et le secteur privé, avec l'aide des pouvoirs publics, n'hésite pas à figer le développement culturel pour que le patrimoine culturel français reste une image d'Épinal à destination de la clientèle étrangère. Le manque d'investissement, la capitalisation sur le passé ne permet pas de faire face aux risques d'uniformisation culturelle à l'échelle mondiale.
-Une dégradation des milieux naturels et une inadaptation de la France au changement climatique : le remplacement des milieux naturels par des équipements de loisirs au fil des décennies a fortement impacté les littoraux et l'artificialisation des sols s'est poursuivie autour de quelques espaces réduits ( Saint-Tropez est un excellent exemple, mis en lumière par le film Le Viager ). Le pays n'ayant pas pris toute la mesure des changements à venir, des lieux deviennent inadaptés au tourisme, à cause de la chaleur ou du manque d'eau, perdant ainsi leur attractivité sans pour autant laisser d'autres endroits vers lesquels se diriger.
Nos propositions
Le tourisme est un atout indéniable pour notre pays, culturellement et économiquement. Mais nous nous sommes trop reposé sur nos lauriers, sur notre héritage, sans chercher à le développer. La France n'est pas prête à faire face aux conséquences du changement climatique. Voici nos propositions pour garantir la pérennité de cet atout.
- Autosuffisance touristique :
Le secteur touristique français doit être capable de ne vivre qu'à l'aide des français eux-mêmes. Les étrangers ne doivent être que la cerise sur le gâteau et non la base de celui-ci. Le Covid nous a rappelé qu’un système touristique qui nous paraît rondement mené peut très vite vaciller et mettre en difficulté des centaines de milliers de personnes si celui-ci est trop dépendant d’un flux extérieur.
- Multiplicité des lieux :
Plutôt qu'une centralisation sur quelques endroits très connus, il est important de développer le secteur dans l'ensemble des régions, permettant à tous les français de profiter du tourisme et d’améliorer l’économie locale. En effet, quelques endroits en France accueillent la grande majorité des visiteurs (notamment Paris), délaissant de nombreux lieux en France avec une histoire parfois aussi riche. Mais tout n’est pas sombre et des sites comme le Puy du Fou ou la Cité médiévale de Carcassonne montrent qu’il est possible d’attirer ailleurs que dans les lieux connus.
- Restauration :
Il est nécessaire, d'autant plus pour un parti mettant l'intérêt de la France au premier plan, d'investir davantage dans le tourisme local par la restauration des nombreux lieux à l'abandon tout en relançant la création d'un grand mouvement culturel français, que ça soit dans l'architecture, la gastronomie, l'artisanat ( la construction du château de Guédelon est un exemple parfait ) mais aussi tout ce qu'on ne touche pas et qui doit être restauré, comme les langues et les arts du spectacle ( danse, théâtre, musique ) de nos régions. Néanmoins, la restauration ne doit pas se faire au dépend de l'économie du pays. En effet, certains lieux ont été laissés à l'abandon alors que les potentialités étaient encore énormes eti peuvent toujours nous permettre de relancer un tissu économique dans des zones laissées-pour-compte. Pourquoi faire un musée sur la fabrique de meubles du coin quand nous pouvons rouvrir celle-ci ?
- Verdissement :
Alors que le changement climatique se fait de plus en plus présent et visible, le tourisme est obligé de s’y adapter. Les problématiques et solutions sont connues et ont leur place dans le tourisme, comme la restauration des sols et milieux naturels trop souvent délaissés, grignotés par l'urbanisation et la périurbanisation ( les stations balnéaires qui bétonnent les côtes ). Valoriser les fleuves, le vélo et les moyens de transports doux est aussi une piste intéressante et plutôt facile à mettre en place, quitte à ralentir le rythme du tourisme pour favoriser l’immersion. La croisière ferroviaire du Puy-du-Fou est un exemple à suivre.
- Création :
La muséification de la France en cours depuis plusieurs années nous pousse à nous reposer sur les grandes réussites du passé. Malgré les créations contemporaines, peu arrivent à s’imposer dans le temps ainsi qu’à représenter un style français particulier. De plus, nous n’arrivons plus à créer de nouveaux styles n’étant pas une copie des créations du passé ou une copie des influences étrangères. Ainsi, il nous faut relancer les grands projets en France. Un bon exemple de projet unique et motivant est Guédelon, construit à partir de matériaux locaux avec des techniques historiques! Ce n’est qu’un exemple bien sûr, mais il montre qu’il ne faut pas se reposer sur ses lauriers et continuer à inventer, innover et édifier!